Dans cette section, nous souhaitons présenter quelques lettres accompagnées de leur traduction et d’un commentaire pour mettre en évidence la richesse de ce matériau à de multiples points de vue. Écho direct des interactions entre ces hommes et ces femmes de la fin du Moyen Âge, elles ont préservé le ton des rapports interpersonnels, avec la diversité des statuts, conditions et âges et les positions différenciées qu’ils assignent aux individus. Les petites histoires ici rassemblées témoignent des sentiments, intérêts et stratégies des acteurs, qui tendent souvent à les opposer entre compétiteurs et alliés, mais aussi de normes sociales et culturelles partagées rendant possible le dialogue entre les correspondants.
Elles illustrent par ailleurs la flexibilité du medium, qui permet d’aborder les thèmes les plus divers, dans un format bref ou ample, un style parfois très énumératif, parfois nettement plus narratif et dans un langage moins standardisé que la plupart des documents contemporains. Ici, des fragments d’oralité s’insèrent facilement dans un texte, avec des interjections ou des propos rapportés. Pour des individus beaucoup moins habitués qu’aujourd’hui à s’exprimer comme sujet pensant, les liens sociaux et la gestion des affaires domestiques, patrimoniales ou commerciales imposent néanmoins un engagement dans cette forme de communication écrite, qui peut s’effectuer directement ou à travers différentes médiations (dicter, faire copier au propre un brouillon, laisser à autrui le soin de composer le message, quand on manque de temps comme Francesco Datini, mais souvent aussi parce qu’on considère un tiers plus habile à cette pratique). Mais tous ne peuvent s’y risquer avec les mêmes ressources. Pour qui sait les lire, la graphie, la morphologie du texte et le style révèlent des degrés très variés de compétence dans la culture écrite.
La graphie comme sésame d’une carrière marchande
Margherita perd la parole et retrouve l’écriture
Catastrophes en chaîne